Pr Valter LONGO
Pr Valter LONGO

Le Dr Valter Longo est professeur de gérontologie et de sciences biologiques. Il est directeur du Longevity Institute de l’Université de Californie du Sud – Leonard Davis School of Gerontology, Los Angeles, l’un des principaux centres de recherche sur le vieillissement. Le Dr Longo est également directeur du programme Longévité et cancer à l’Institut d’oncologie moléculaire IFOM à Milan, en Italie.

Il a montré que des cycles de jeûne de courte durée auraient un effet protecteur sur les cellules saines vis à vis du stress oxydatif engendré par la chimiothérapie  chez les levures,  les souris et peut-être également chez l’homme ! Cet effet protecteur n’est heureusement pas observé sur les cellules cancéreuses : au contraire, la chimio-sensibilité des tumeurs pourrait être augmentée par le jeûne thérapeutique  !

Les effets protecteurs d’une diète de courte durée (STS ou Short Term Starvation) sur le stress oxydatif engendré par la chimiothérapie  a été montré in vitro sur des levures, des cultures cellulaires et in vivo sur des souris (Raffaghello & al, Proc Natl Acad Sci USA. 2008). En particulier, une diète de 72 h protège remarquablement bien les souris contre les effets toxiques de plusieurs chimiothérapies fréquemment utilisées en médecine vétérinaire : doxorubicine, cyclophosphamide et 5FU. (Lee & al, Cancer Res. 2010).

Heureusement, ces études ont également prouvé que la diète de courte durée (STS) ne protège pas les cellules cancéreuses contre les effets toxiques du stress oxydatif. Dans certains cas,  la STS augmente même l’activité de certaines molécules de chimiothérapie. Cette réponse différentielle au stress de la diète est appelée par Valter LONGO la DSR (Differential Stress Resistance).

L’effet protecteur de la STS sur les cellules saines serait dû à la diminution sérique  de l’IGF-1 et à l’augmentation des IGFBP ( Binding Proteins) observées lors d’un jeûne. En effet, les cellules saines se mettraient en « mode sauvegarde » et seraient donc beaucoup moins sensibles au stress oxydatif. Par contre, les cellules cancéreuses sont généralement insensibles aux signaux externes régulant la multiplication cellulaire et donc à l’action de l’IGF1 et à l’ IGFBP-1, un  inhibiteur de l’IGF-1.

L’importance de l’IGF-1 comme facteur de risque dans le développement de tumeurs a été mis en évidence pour le cancer de la prostate chez l’homme, le cancer du sein chez la femme, mais également en médecine vétérinaire chez le chien. Chez le chien, il a également été démontré qu’une restriction calorique ou une diète prolongée entrainent une diminution de l’IGF1 et une augmentation des IGF Binding Proteins.

La limitation principale de la chimiothérapie en médecine vétérinaire est sa toxicité non spécifique (toxicité hématologie et gastro-intestinale principalement),  ainsi que la toxicité spécifique de certaines molécules (toxicité cardiaque et rénale de la doxorubicine, toxicité nerveuse du 5 fluorouracil, …) : un jeûne thérapeutique de courte durée (48 h) avant une chimiothérapie pourrait dans certains cas améliorer la prise en charge des chimiothérapies chez le chien.

La faisabilité d’un jeûne thérapeutique en médecine vétérinaire est prouvée : lorsque cela est médicalement possible, je conseille systématiquement une diète de 24 h avant une injection de chimiothérapie. Le chien est ensuite laissé à jeun pendant les 24 h de son hospitalisation réglementaire, ce qui porte à 48 h la durée totale du jeûne thérapeutique que je pratique couramment dans le cadre de mes consultations de cancérologie.

La plupart de mes patients supportent très bien ce jeûne et je n’ai jusqu’à présent jamais observé d’effet délétère de cette pratique. Cependant, des études approfondies sont encore nécessaires pour évaluer l’intérêt thérapeutique du jeûne avant une chimiothérapie chez le chien. En cas de confirmation de cet effet protecteur du jeûne sur la toxicité de la chimiothérapie, il serait  peut-être possible d’augmenter les posologies ou les doses cumulées de cytotoxiques afin  d’augmenter l’efficacité des chimiothérapies ?

BIBLIOGRAPHIE

  • Lee C,  Raffaghello L & col (2012) Fasting cycles retard growth of tumors and sensitize a range of cancer cell types to chemotherapy. Science Translational Medicine, 2012, 4 (124), pp 1-10
  • Lee C, Raffaghello L & Longo VD (2012) Starvation, detoxification and multidrug resistance in cancer therapy.  Drug Resistance Updates,  2012, 15(1-2), pp 114-122
  • Safdie FM, Brandhorst S & col (2012) Fasting enhances the response of glioma to chemo- and radiotherapy. PLoS ONE, 2012, 7 (9), e44603
  • Lee C, Longo VD (2011) Fasting vs dietary restriction in cellular protection and cancer treatment: from model organisms to patients. Oncogene, 2011, 30, pp 3305–3316
  • Lee C, Safdie FM, Raffaghello L, Wei M, Madia F, Parrella E, Hwang D, Cohen P, Bianchi G, Longo VD. (2010) Reduced levels of IGF-I mediate differential protection of normal and cancer cells in response to fasting and improve chemotherapeutic index.
  • Cancer Res. 2010 Feb, 15;70(4):1564-72.
  • Raffaghello L, Safdie F & col (2010)  Fasting and differential chemotherapy protection in patients. Cell Cycle, 2010,  9(22), pp 4474-4476
  • Safdie FM, Dorff  T & col (2009) Fasting and cancer treatment in humans : a case series report. Aging, 2009,  1 (12), pp 1-20
  • Raffaghello L, Lee C, Safdie FM, Wei M, Madia F, Bianchi G, Longo VD. (2008) Starvation-dependent differential stress resistance protects normal but not cancer cells against high-dose chemotherapy. Proc Natl Acad Sci USA. 2008 Jun 17;105(24):8215-20.

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